J’avais prévu des besoins bien modestes : le bonheur, par exemple, et le ciel; tous deux étaient dans mes moyens, la vie et moi, nous serions quittes. Puisque le ciel est le bonheur il suffirait que ma prière stipule uniquement le ciel – le reste viendrait par surcroît.
Et c’est ainsi que je priai: Esprit Saint accorde- moi un ciel moins vaste que le tien, mais assez grand pour moi.
Un sourire éclaira Jéhovah- les chérubins s’éclipsèrent -De graves Saints sortirent pour me voir, montrant eux aussi des fossettes. Je pris la fuite éperdument, jetant ma prière au rebut : les siècles sereins la reprirent. Le jugement aussi pétillait de joie. A voir un être assez honnête pour croire encore à ce conte- « Tout ce que tu demanderas cela te sera accordé »
Mais aujourd’hui, plus avisée, je scrute avec soupçon les cieux- Ainsi l’enfant qu’on dupe une fois et qui déduit que le monde est menteur.
Emily Dickinson
