Voici deux livres pleins d’images, d’histoires et de figures.
Deux livres que tout oppose ? Faut voir…
Oui, il faut voir d’abord les Poupées en mal d’enfantement de Mariette. Dans une galerie de portraits, qui tient du livre pieux de jadis et de l’inventaire de momies, l’artiste de saint- Laurent du pont dérange et émeut. Ne serait-ce que par son postulat : » j’ai eu trois enfants que j’aime, et je me suis rendu compte que j’avais été frustrée de ne pas avoir vécu leurs naissances. Il me fallait exprimer cette douleur, ce manque cette frustration ».
Comme un vertigineux prolongement du plus fascinant et du plus énigmatique des processus biologiques, Mariette a ainsi créé sept cents figurines de femmes qui contiennent toute, en elles-mêmes, au-delà es blessures et des déchirures, une promesse de vie. C’est sur le fond ténébreux des pages d’un album pour le moins singulier qu’on découvre la reproduction de ce petit peuple de tissus et de cordelettes, de rubans et de médailles, de statuettes démembrées et de fragments de tableaux anciens. Un peuple qui a manifestement valeur d’exorcisme pour sa conceptrice et qui nous parle d’un autre monde, entre envoûtement et terreur, entre blasphème
Et vénération.
Des poupées , il y en a aussi dans Soudards et belles garces . Pas les mêmes , on l’aura compris .Celles-ci sont nées sous le crayon du géant de la bande dessinée transalpine, Sergio Toppi. Mises en espace par le « raconteur d’images »isérois Mosquitos, les créatures du graphiste milanais sont en perpétuel conflit avec ces montres armés-samouraïs, brutes ou chacals-que le dessinateur se plaît à convoquer et repousser. Chaque tableau offre une scène de guerre ou d’épopée, très pertinemment rehaussée par les textes brefs du poète grenoblois Jean-Louis Roux « l’ horreur est le propre des affreux : l’effroi les laisse froids, l’abomination est leur nation ;leur âme est grimaçante ;alors ils se font le visage qui va avec. Leur figure est un masque, mais sans rien derrière ».
Un univers bien loin de celui de Mariette ? Faut voir, faut voir…Et faut lire aussi.
« Poupées en mal d’enfantement »de Mariette, éditions YMNA (6 bis rue de Châteaudun 2800 chartes)
« Soudards et belles garces » de Sergio Toppi, Mosquito éditions (1 ter rue des sablons 38120 Saint-Egrève).
Didier Pobel